Défiscalisation des pensions alimentaires : une proposition de loi sous tension — analyse des 72 amendements déposés à l’Assemblée nationale

🔎 Contexte de la PPL

  • La PPL, déposée le 14 octobre 2025 à l’initiative du groupe La France insoumise (LFI), vise à « corriger une iniquité fiscale frappant les familles monoparentales » en défiscalisant les pensions alimentaires perçues pour les enfants mineurs ou majeurs jusqu’à 25 ans en études/formation.
    Cf. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b1956_proposition-loi.pdf

  • Concrètement, l’article 1er du texte propose que les pensions perçues ne soient plus soumises à l’impôt sur le revenu, tandis que celles versées deviennent imposables (et ne donneraient plus droit à déduction) — rompant avec le régime fiscal actuel, où le parent bénéficiaire est imposable et le parent payeur peut déduire.

  • L’article 2 prévoit d’indexer automatiquement les pensions sur l’inflation, pour prévenir la stagnation des montants versés.

  • L’article 3 prévoit de revaloriser l’Allocation de soutien familial (ASF) pour les situations d’impayés, ce qui concerne près de 1,5 million d’enfants.

  • Le rapport de la commission de l’Assemblée justifie ces mesures par la réalité selon eux d’une « double injustice » fiscale et sociale : les pensions alimentaires ne devraient pas être considérées comme un revenu imposable au bénéfice du parent gardien, car elles servent à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

Ce sont ces dispositions qui ont motivé le dépôt de 72 amendements, certains cherchant à renforcer, amender, clarifier, ou au contraire supprimer tout ou partie du dispositif.


📄 Principales positions politiques à travers les amendements

✅ Le soutien / l’enrichissement du texte (en modification)

Ces propositions – souvent qualifiées de « précisions » ou de « gardes-fous » — montrent que même parmi des oppositions, certains députés cherchent à améliorer le texte plutôt qu’à le rejeter purement et simplement.


❌ L’opposition ou la remise en cause — un clivage fort

🟨 Renaissance / majorité « gouvernementale »

Autrement dit : la majorité craint que la mesure se fasse « sur le dos » du parent débiteur — sans garantie pour l’équilibre familial — et que l’objectif de lutte contre la précarité ne soit pas réellement atteint (voire renversé).

🟦 Les Républicains (LR)

🟩 Parti socialiste (PS) / groupes apparentés

⚠️ Autres groupes (RN, UDR, etc.)

  • Certains amendements « de précision » (rédaction, portée, modalités) sont plutôt neutres — visant à clarifier le texte.

  • D’autres demandent des études d’impact ou des rapports — sur le coût budgétaire, l’effet sur les impayés, la pérennité des pensions, les aides sociales, le recours à l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa), etc.

Ainsi, même les soutiens critiques à la PPL ne rejettent pas forcément son objectif, mais demandent précaution, encadrement, ajustements ou garanties supplémentaires.


🧪 Un amendement LFI “marquant” retiré

Un amendement déposé par le groupe LFI, demandant un rapport actualisant les données nationales sur les décisions judiciaires du juge aux affaires familiales en cas de séparation, et sur les pensions alimentaires versées ou reçues.
L’idée : les chiffres utilisés pour justifier la réforme dataient de 2012 (enquête “résidence”) — manifestement obsolètes.

  • En effet, selon le rapport de la commission, la PPL s’appuie sur des statistiques anciennes pour chiffrer le nombre de familles concernées, le montant moyen des pensions, et les effets sur la pauvreté des familles monoparentales.
    Cf. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-soc/l17b2121_rapport-fond.pdf

  • Un tel rapport actualisé aurait permis d’avoir une base factuelle plus robuste — enjeu crucial pour mesurer l’impact réel de la réforme sur le terrain.

  • Or, cet amendement a été retiré.


🧑‍⚖️ Ce que révèlent les choix et clivages

  • La majorité (Renaissance) et une partie de la droite incarnée par LR manifestent une méfiance forte : pour eux, la réforme risque de créer une “précarisation accrue du parent payeur”, sans garanties suffisantes. Leur amendement de modification de l’intitulé est un signal politique fort.

  • À l’inverse, LFI — même si elle a retiré l’amendement de rapport — reste convaincue de la dimension égalitaire et de justice sociale de la réforme : la pension alimentaire ne devrait pas être considérée comme un revenu, mais comme un soutien à l’enfant.

  • Le PS tente un positionnement “modéré : il reconnaît la problématique, mais plaide pour un dispositif ciblé et plafonné, afin d’éviter les effets d’aubaine.

  • Les autres groupes (RN, UDR, diversification des amendements) montrent qu’on peut être opposé à la PPL tout en ne rejetant pas l’idée d’un soutien aux familles — ils privilégient des garde-fous, des garanties, des études d’impact.

En somme, ce texte révèle un éclatement des consensus traditionnels : les lignes ne se font plus strictement droite vs gauche, mais entre partisans d’une réforme sociale et partisans d’un équilibre fiscal, familial et budgétaire prudent.

–Mise à jour au 28 novembre 2025–

Les débats s’étant interrompu à minuit, l’Assemblée nationale n’a pas procédé à l’examen complet de ce texte.

Retrouvez ci-dessous les 20 minutes de débat (Présentation de la PPL par Sophia Chikirou et la réponse du Ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’État de France
David Amiel).


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