Le 6 mars 2025, la Fédération Solidarité Femmes a publié un communiqué afin de mettre en avant sa pétition intitulée « Enfants victimes de violences conjugales : protégeons-les ! », disponible sur leur site officiel, ici :
👉 https://solidaritefemmes.org/2025/03/06/petition-enfants-victimes-violences-conjugales/
Cette campagne a été relayée sur les réseaux sociaux, notamment via Facebook, avec plusieurs visuels « chocs » destinés à sensibiliser le grand public (voir le post ici).
Cependant, plusieurs membres et sympathisants de notre collectif Défendre les enfants (https://defendre-les-enfants.eu/) nous ont contactés pour nous faire part de leur incompréhension et de leur étonnement face à certains chiffres diffusés dans cette campagne. Après réflexion, nous avons estimé pertinent d’apporter quelques précisions ci-après.
1️⃣ Le chiffre de 83% concernant les décisions de justice
Sur un des visuels, il est indiqué que :
« 83% des décisions de justice du juge sur la résidence des enfants correspondent à la demande des deux parents. »
Ce chiffre concerne en réalité les situations d’accord entre les deux parents. Celles où le juge entérine logiquement leur choix pré-établi. Cela ne reflète donc en rien la réalité des décisions rendues dans les situations de désaccord. Des situations justement le cœur du problème en matière de contentieux familiaux. Sortir ce chiffre de ce contexte peut induire en erreur.
👉 Pour plus de précisions, nous renvoyons à notre analyse complète sur les décisions de justice dans ces situations conflictuelles :
🔗 https://defendre-les-enfants.eu/actualites/20250207-zoom-sur-les-decisions-judiciaires-lors-des-separations-conflictuelles/
📌 Dans notre FAQ dédiée à la proposition de loi 819, nous rappelons notamment (question n°6) les résultats de l’enquête “résidence” de 2012, souvent ignorés dans les débats publics :
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Lorsqu’il y a désaccord entre les parents (environ 10 % des cas), 63 % des jugements donnent la résidence principale à la mère, même si 95 % des pères ont demandé une résidence alternée ou principale.
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Dans ces cas de désaccord, seuls 24,6 % des pères obtiennent la résidence alternée contre 40 % des mères.
Ces chiffres battent en brèche l’idée reçue selon laquelle “les pères ne demanderaient pas la garde” (Une fausse affirmation circule d’ailleurs prétendant que « 80 % des pères ne la demanderaint pas ») et illustrent un déséquilibre judiciaire que nous pouvons qualifier de préoccupant, pour les enfants, pour les mères et pour les pères.
2️⃣ Le chiffre de 43% sur les violences post-séparation
Un autre visuel indique :
« 43% des appelantes du 3919 déclarent subir des violences post-séparation plus d’un an après la rupture. »
Ces témoignages importants doivent naturellement être entendus et pris en compte. Mais il faut déjà spécifier que, fort heureusement, toutes les situations de séparations ne sont pas concernées par les violences conjugales. Les 43% des appelantes qui déclarent subir des violences après la rupture sont des personnes qui subissaient des situations de violence pendant la relation. Ce chiffre ne concerne donc pas toutes les séparations puisque celles ou les deux conjoints n’ont pas été violent l’un envers l’autre n’y apparaissent pas.
Il apparaît aussi important de rappeler que les violences conjugales touchent des enfants, des mères et des pères. La violence, n’a ni genre, ni sexe. Même si des différences apparaissent dans les statistiques pour des raisons sociologiques et du fait des stéréotypes de genres que la société véhicule. Or, malgré les nombreuses demandes de notre collectif pour que le 3919 soit ou vert à toutes et tous, le 3919 demeure aujourd’hui toujours réservé uniquement aux femmes. De ce fait, les chiffres issus des appels téléphoniques au 3919 ne sont pas étayé par un protocole scientifique annulant les biais. Ces chiffres, donnent une indication – pertinente et intéressante – sur les personnes qui appellent ce numéro d’aide et d’urgence. De ce point de vue, ces données sont intéressantes. Mais elle ne peuvent servir à dépeindre plus globalement la société, ce qui constituerait une surgénéralisation, donc un biais interprétatif.
Un amendement parlementaire visant à permettre l’accès aux hommes victimes a d’ailleurs été rejeté. En réponse, nous avons lancé une pétition pour l’extension du 3919 aux hommes, accompagnée du dépôt de quatre questions écrites au gouvernement, qui restent à ce jour sans réponse.
Pourtant, l’accès de toutes les personnes victimes à ce numéro d’urgence – quel que soit leur sexe ou leur genre – apparaît important pour toutes les victimes. Parce que toutes les victimes ont droit à l’écoute et au soutien.
👉 Voir notre campagne :
🔗 https://defendre-les-enfants.eu/actualites/20250315-pour-une-egalite-dans-la-prise-en-charge-des-victimes-de-violences-conjugales-signez-la-petition-pour-lextension-du-3919-aux-hommes/
3️⃣ Une mesure inquiétante : la suspension des poursuites pour NRE
Dans le texte même de la pétition de Solidarité Femmes, on peut lire :
« Suspendre toute poursuite pénale pour non-représentation d’enfant contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences conjugales, violences intrafamiliales et/ou violences sexuelles incestueuses. »
Cette proposition revient à présumer la culpabilité d’un parent dès lors qu’une enquête est ouverte. Ce, alors même qu’il n’a été ni jugé ni condamné. C’est sans précédent. Une telle mesure pourrait encourager des accusations stratégiques, notamment dans des contextes de séparations conflictuelles.
👉 Pour un éclairage sur les chiffres des non-représentations d’enfants (NRE), voir notre article :
🔗 https://defendre-les-enfants.eu/actualites/20250228-zoom-sur-les-statistiques-de-non-representation-denfants-en-france-nre/
Une parenthèse sur les fausses déclarations :
Nous notons que les personnes qui profèrent de fausses accusations devant la justice utilisent toujours des fléaux existants pour discréditer le parent victime de leurs accusations. Ce faisant, ce sont ces personnes qui portent atteinte au respect de la parole des victimes. Concernant les études, il y en a de nombreuses avec des protocoles variés et le pourcentage de fausses déclarations en justice y varie de 4% à 15% de fausses déclaration.
Les études donnent en général un taux de fausse déclaration variant donc de 4 à 15% environ. Ces études montrent également que le taux de mensonge augmente lorsqu’il y a litige sur la garde des enfants.
4️⃣ Un dialogue serait-il impossible avec Solidarité Femmes ?
Par ailleurs, plusieurs parents nous ont transmis des copies d’écrans de messages supprimés. Nous sommes plusieurs à être surpris de voir que ces messages sont tout ce qu’il y a de plus respectueux, exprimant une opinion personnelle ou un raisonnement sans attaque personnelle ni dénigrement (attaques et dénigrement auxquels les réseaux sociaux sont souvent « habitués », leurs algorithmes les mettant souvent en avant, malheureusement). Cela reviendrait-il à sortir du champ certaines idées ? Nous pensons que, à partir du moment ou ces idées sont respectueuses des droits de chacun, c’est regrettable.
Nous restons attristé de ce « Pire » : Que des commentaires posés sous ces publications (notamment sur Facebook) évoquant l’égalité parentale ou la prise en compte des hommes victimes de violences conjugales sont systématiquement supprimés. Cette politique d’effacement des voix discordantes alimente une forme d’invisibilisation que nous dénoncions déjà en mars dernier :
👉 Lire notre alerte complète ici :
🔗 https://defendre-les-enfants.eu/actualites/20250324-violences-conjugales-le-collectif-defendre-les-enfants-denonce-linvisibilisation-des-hommes-victimes-et-interpelle-le-depute-mickael-bouloux/
Nous constatons cela dans un contexte spécifique. En effet, il se trouve que, depuis plusieurs mois, le collectif Défendre les enfants a tenté de prendre contact avec Solidarité Femmes, tant sur la question de l’extension du 3919, que sur celle de la résidence alternée, dans le cadre de la PPL 819. Malheureusement, aucune de nos démarches n’a reçu de réponse. Nous pensons pourtant qu’un échange et des rencontres ont toutes les chances d’être fructueuses. Pour chacun.
🟡 Conclusion
Le collectif Défendre les enfants réaffirme la nécessité d’une approche équilibrée, factuelle et respectueuse de tous les parents et de toutes les victimes, quel que soit leur genre. De plus, il est important que les juges puissent juger « au cas par cas » (comme la PPL819 le permet d’ailleurs). La protection des enfants exige de dépasser les récits unilatéraux pour mieux comprendre la complexité des situations familiales et judiciaires, et garantir l’égalité de traitement devant la loi.
De ce fait, nous invitons cordialement la Fédération Solidarité Femmes à reconsidérer ses positions, à répondre aux demandes de dialogue, et à cesser d’exclure du débat public des voix qui s’engagent pour une véritable égalité parentale et une prise en compte de toutes les formes de violences conjugales, quelles qu’elles soient : Sans exception. Que toutes les victimes puissent être entendue, soutenues et aidées.
👉 Ensemble, défendons les enfants ! Toutes et tous ensemble.
Tous les droits, durement acquis, l’ont été femmes et hommes ensemble. Le droit de vote des femmes, le droit à l’IVG, … Ont été votés par des femmes et des hommes qui les ont défendues ensemble. Aujourd’hui, pour les enfants, il nous faut, encore et toujours, regarder ensemble dans la même direction.