Exfiltration d’un militant pour l’égalité parentale lors du 14 juillet : quand le droit d’expression se heurte à la réalité sécuritaire

Le 14 juillet 2025, alors que des milliers de citoyens étaient rassemblés sur les Champs-Élysées pour assister au traditionnel défilé militaire, un événement en marge a suscité l’indignation de plusieurs militants associatifs : l’exfiltration d’un militant pour l’égalité parentale, Sébastien Servain, ancien colistier de la liste Défendre les enfants aux élections européennes de 2024. Ce dernier, pacifiquement engagé, a été escorté hors du périmètre de sécurité par les forces de l’ordre. Motif ? Son soutien visible à la proposition de loi 819 sur la résidence alternée équitable.

Un acte militant silencieux, mais symbolique

Le militant en question, avait pris place dès l’aube sur les Champs-Élysées pour assister au défilé. Sur son torse, une simple feuille A4 accrochée par des rubans arborait un QR code renvoyant vers une foire aux questions expliquant la proposition de loi 819. Sur son chapeau, des portraits de personnalités publiques favorables à cette réforme. Aucun slogan crié, aucun tract distribué : juste une présence symbolique et silencieuse.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux le 14 juillet, il raconte son expérience, oscillant entre admiration pour le défilé et incompréhension face aux consignes que les forces de l’ordre ont reçues :

« Liberté… d’expression à géométrie variable, quand tu nous tiens… […] Ils m’invitent aimablement à sortir de la file pour les accompagner […] un des agents m’indique (avec un ton soulagé comme s’il m’annonçait que j’avais gagné à la loterie) que je m’en sors bien car j’aurais pu être verbalisé. »

Malgré son attitude calme et le caractère purement informatif de son action, il sera raccompagné hors du périmètre sécurisé, sans motif juridique clair. L’un des agents évoquera, à demi-mot, une possible « manifestation non déclarée ».

Une éviction symptomatique d’un malaise démocratique

Ce type d’incident pose une question fondamentale : jusqu’où peut aller le contrôle sécuritaire sur l’espace public, même lors d’un événement hautement symbolique ? Pour ce militant, « aller voir le défilé est un acte citoyen. Afficher (de façon pacifiste et en silence) son soutien à une proposition de loi co-signée par plus de 85 parlementaires est pour moi un acte tout autant citoyen. »

Il conclut son message par une interrogation cinglante :

« À quel moment le système est complètement parti en couille ? »

Au-delà de l’expérience personnelle, cette éviction soulève une problématique plus large sur la capacité des citoyens à porter des messages d’intérêt général dans l’espace public, sans être assimilés à une menace.

Une mobilisation de longue date pour la coparentalité

La cause défendue ici n’est pas marginale. Depuis plusieurs années, des collectifs et associations militent activement pour une réforme du droit de la famille, et plus précisément pour promouvoir la résidence alternée comme solution par défaut après une séparation parentale, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le militant exfiltré ce 14 juillet est engagé de longue date dans cette cause. Il fut colistier de la liste Défendre les enfants aux élections européennes de 2024, une initiative citoyenne qui portait justement la voix des familles séparées et des enfants privés d’un parent.

En novembre 2021 déjà, plusieurs militants avaient été relaxés après avoir été poursuivis pour avoir affiché des messages en faveur de la coparentalité sur des bâtiments publics. Une décision de justice saluée comme une victoire pour la liberté d’expression et la mobilisation citoyenne.

Cf. Relax judiciaire pour des militants de l’égalité parentale : un succès pour la mobilisation citoyenne – Défendre les enfants

En 2022, ces militants avaient également sillonné le Tour de France, arborant des banderoles appelant à l’adoption de la proposition de loi 21-308, ancêtre de la PPL 819, sur les bords des routes, dans une campagne originale et respectueuse de l’ordre public.

PPL 819 : une proposition de loi de plus en plus soutenue

La proposition de loi 819, au cœur de cette action du 14 juillet, vise à faire de la résidence alternée l’option par défaut après séparation, sauf contre-indication claire. Elle bénéficie d’un soutien croissant au sein du Parlement, avec plus de 80 co-signataires issus de divers groupes politiques. Une dynamique qui reflète l’évolution des mentalités dans la société, où de plus en plus de citoyens demandent un cadre juridique garantissant une coparentalité équitable et éthique.

Le QR code affiché par le militant renvoyait à une FAQ destinée à informer les citoyens sur les enjeux de la réforme, à travers des arguments juridiques, psychologiques et sociétaux. Loin de tout prosélytisme, il s’agissait donc d’un acte d’information citoyenne, dans l’espace public.

Entre sécurité et liberté : une ligne rouge franchie ?

Si le professionnalisme des forces de l’ordre est salué dans le témoignage, notamment leur écoute et leur courtoisie, l’application zélée de consignes discutables interroge. Plusieurs observateurs s’interrogent désormais : faut-il craindre que le simple fait de porter un message pacifique et citoyen soit désormais perçu comme un trouble à l’ordre public ?

Dans une société démocratique, peut-on tolérer qu’un citoyen soit exclu d’un événement public pour avoir manifesté, seul et silencieusement, son soutien à une proposition de loi soutenue par des parlementaires ? La réponse à cette question conditionnera sans doute la manière dont notre République continue de conjuguer sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité.


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