Vers des divorces moins conflictuels ?

Un nouveau décret renforce la place de la médiation familiale dans les procédures de divorce

Le 18 juillet 2025, un décret majeur a été publié au Journal officiel (Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends – Légifrance), marquant une nouvelle étape dans la politique française de promotion des modes alternatifs de règlement des différends (MARD). Applicable dès le 1er septembre, ce texte entend transformer la manière dont les divorces conflictuels sont traités par la justice.

Une nouvelle obligation de passer par la médiation

Concrètement, le décret permet désormais aux juges aux affaires familiales d’obliger les couples en instance de divorce à recourir à une tentative de médiation avant toute décision judiciaire, sous peine d’amende. L’objectif affiché est double : désengorger les tribunaux et favoriser des accords apaisés, en particulier dans l’intérêt des enfants.

Ce passage obligatoire par la case « négociation » vient renforcer la place de la médiation dans le paysage judiciaire français. Les pouvoirs publics y voient un levier essentiel pour réduire les tensions familiales, mais aussi pour accélérer le traitement des affaires, dans un contexte où la justice familiale est saturée.

Un accueil favorable chez de nombreux praticiens

Dans la profession, l’annonce a été accueillie avec satisfaction par plusieurs avocats spécialisés en droit de la famille. Pour Barbara Regent, avocate et médiatrice, cette réforme est « une avancée formidable », fruit de longues années de travail collectif :

« Désormais il faut que les avocats se forment massivement et que notre proposition de 5h de formation annuelle obligatoire aux MARD aboutisse auprès du CNB. »

Cet enthousiasme est partagé par d’autres professionnels qui soulignent que cette réforme devrait permettre de « déjudiciariser les cas les plus simples », en réservant l’intervention du juge aux situations véritablement complexes.

Les réserves des collectifs de protection de l’enfance

Toutefois, certains acteurs associatifs appellent à la prudence. Gaël Coste-Meunier, tête de liste du collectif Défendre les enfants, nuance l’enthousiasme :

« Dans pas mal de cas, ça pourrait être positif, s’il y a un problème de communication entre les parents… Mais dans les autres cas ? La justice française n’est-elle pas, encore une fois, bien rapide à trouver toute l’origine des problèmes dans le seul “conflit parental” réel ou supposé ? Un conflit qui reposerait, avec une simplicité douteuse, sur le simple manque de communication entre les parents ?

Cette médiation imposée fonctionnera certainement lorsque les parents, aptes et bienveillants vis-à-vis de leurs enfants, ont du mal à communiquer. Mais dans tous les autres cas ? Ceux où il n’y a pas de conflit parental mais un des parents, toxique, qui crée une situation perverse ? Dans ces cas, nombreux devant les tribunaux, tout dépendra de la médiation et de la formation des médiatrices et médiateurs.

Il faudra savoir identifier les comportements, reconnaître les ressorts de l’emprise, de la manipulation, de la falsification des faits. Il faudra également être en capacité de rendre compte de manière factuelle et argumentée pour que la situation puisse être comprise par le juge. Les effectifs et les formations nécessaires seront-elles mis en place malgré la disette budgétaire de la justice ?

Si la réforme est bonne dans la forme, il reste à la rendre bonne dans son application. Et là, je pense que les associations et collectifs de Défendre les enfants, tout en saluant l’initiative, attendent de voir. »

Gaël COSTE-MEUNIER 820x820
Gaël Coste-Meunier
Tête de liste du collectif Défendre les enfants

Une avancée… sous conditions

Le décret du 18 juillet 2025 marque une avancée indéniable vers une justice familiale plus apaisée et recentrée sur l’intérêt des enfants. Il devrait permettre une déjudiciarisation partielle des divorces les plus simples, en évitant que les juges ne soient mobilisés pour des désaccords pouvant être réglés en médiation.

Cependant, le succès de cette réforme dépendra largement des moyens humains et financiers alloués à la médiation : formation spécialisée, recrutement de médiateurs compétents, capacité à détecter les situations de manipulation ou de violences psychologiques.

La vigilance des associations de protection de l’enfance, mais aussi des avocats de terrain, sera cruciale pour que ce nouvel outil ne devienne pas un simple détour administratif, mais bien une solution constructive et protectrice.

La proposition de loi 819 : un complément indispensable pour la résidence alternée

Parallèlement à cette réforme, de nombreux experts et associations soulignent qu’il est essentiel de programmer rapidement la proposition de loi 819 relative à la résidence alternée. Cette mesure, qui vise à favoriser un partage équilibré du temps de vie des enfants entre les deux parents, viendrait compléter le dispositif de médiation en offrant un cadre légal clair pour les familles, tout en réduisant les litiges liés à l’organisation de la vie quotidienne des enfants après un divorce.

Son adoption permettrait de consolider les acquis du décret du 18 juillet 2025, en associant prévention des conflits et protection effective de l’intérêt supérieur de l’enfant.


Publié

dans

par

×