Déposé dans le cadre du Projet de loi de finances pour 2026 par M. Allegret-Pilot, M. Chaix, M. Michoux et M. Trébuchet, l’amendement n° II-2422 constitue un tournant institutionnel majeur. Pour la première fois, un texte budgétaire propose explicitement de créer un programme dédié à « l’amélioration de la condition des hommes », rompant avec plusieurs décennies de structuration unilatérale des politiques d’égalité.

Ce geste politique et budgétaire, inédit sous la Ve République, ne se contente pas d’ajuster des lignes financières : il reconfigure entièrement la philosophie du programme 137, en affirmant que l’égalité réelle ne peut être atteinte sans une prise en compte spécifique, symétrique et documentée des difficultés rencontrées par les deux sexes.
Lien vers l’amendement : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/1906C/AN/2422
Une création budgétaire sans précédent
L’amendement propose noir sur blanc la création d’une ligne nouvelle intitulée :
« Amélioration de la condition des hommes » (dotée de 34 643 068 €)
— extrait du tableau budgétaire de l’amendement
Il instaure également deux autres programmes jumeaux :
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Amélioration de la condition des femmes (même montant : 34 643 068 €)
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Aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences intrafamiliales (26 371 455 €)
Ces trois lignes remplaceraient l’actuel programme « Égalité entre les femmes et les hommes », explicitement supprimé dans le tableau budgétaire.
Cette réorganisation, comme l’écrit l’amendement :
« vise à assurer une parfaite symétrie budgétaire et fonctionnelle entre les politiques publiques menées en faveur des femmes et celles menées en faveur des hommes »
Un amendement qui prolonge une mobilisation parlementaire déjà active
Cet amendement est l’aboutissement d’une série de prises de positions parlementaires visant à alerter sur la prise en charge insuffisante des hommes victimes de violences conjugales, notamment en ce qui concerne l’accès au 3919.

Les auteurs rappellent eux-mêmes dans l’exposé sommaire :
« L’absence de réponse satisfaisante aux interpellations — multiples et transpartisanes — sur la lutte contre les violences conjugales visant les hommes, notamment pour ce qui concerne la communication autour du numéro d’urgence 3919, est […] parfaitement parlante et inacceptable. »
Ils citent explicitement les parlementaires ayant interpellé le gouvernement, parmi lesquels Mme Le Nabour, qui avait déjà déposé un amendement l’année précédente sur la prise en charge élargie des victimes. Cette mention démontre que l’amendement n° II-2422 s’inscrit dans une trajectoire cohérente, nourrie de plusieurs interventions écrites et orales, et désormais ancrée dans une dimension transpartisane assumée.
Une réponse directe aux interpellations du collectif Défendre les enfants
L’amendement répond également à la mobilisation du collectif Défendre les Enfants, qui a rappelé à plusieurs reprises à la ministre Aurore Bergé la nécessité de « reconnaître toutes les victimes ». Les auteurs de l’amendement soulignent, dans l’exposé sommaire, que l’absence de considération institutionnelle pour les hommes victimes constitue l’un des symboles les plus flagrants du déséquilibre actuel.
Le visuel :

Cette convergence entre la société civile, plusieurs députés, des sénateurs et désormais des amendements structurants renforce la portée du texte.
Un état des lieux accablant : pourquoi une ligne dédiée est devenue indispensable
Le texte de l’amendement justifie la création d’un programme consacré aux hommes par une série de données chiffrées, qui illustrent les vulnérabilités masculines souvent ignorées :
« 75 % des décès par suicide sont des hommes » (DREES)
« 94 % des décès d’accident du travail » et « 78 % des décès d’accident de trajet » sont des hommes
« 97 % de la population carcérale est constituée d’hommes »
« 95 % des sans-abri et 60 % des sans-domicile sont des hommes »
« 78 % des tués sur la route sont des hommes »
— Extraits de l’amendement
Ces données, toutes issues de sources institutionnelles (DREES, Santé publique France, INSEE…), soutiennent la thèse que le programme actuel, centré exclusivement sur la condition féminine, constitue — selon les termes de l’amendement :
un dispositif « hémiplégique et insatisfaisant »
Un texte ouvertement transpartisan — et assumé comme tel
En reprenant la liste des députés et sénateurs qui avaient interpellé le Gouvernement, l’amendement affirme une volonté claire :
« L’absence de réponse satisfaisante aux interpellations — multiples et transpartisanes »
Cette dimension transpartisane est essentielle : elle montre que la question n’est pas idéologique, mais structurelle et humaine. Elle permet au collectif Défendre les enfants de soutenir pleinement cette démarche, tout en espérant que ni calcul électoral, ni crispation idéologique ne viendront empêcher l’adoption de ce texte.
Une refonte totale du programme 137 : vers une égalité réelle, mesurable et symétrique
L’amendement propose enfin une refonte complète :
« remplacer le programme 137 “Égalité entre les femmes et les hommes” par trois nouveaux programmes distincts »
— Amélioration de la condition des femmes
— Amélioration de la condition des hommes
— Aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences intrafamiliales
Cette restructuration « à enveloppe constante » permettrait :
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une parité de moyens,
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une égalité d’évaluation,
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une transparence renforcée,
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et une lisibilité accrue des politiques publiques.
En d’autres termes : une égalité enfin mesurable, plutôt que seulement déclarative.
Un amendement véritablement exceptionnel
Par son ambition, sa précision, sa portée symbolique et ses effets potentiels, cet amendement est exceptionnel. Il pourrait devenir un jalon historique en matière de politiques publiques d’égalité : non pas un recul des dispositifs existants, mais un élargissement, une mise à niveau, et surtout une prise en compte exhaustive des réalités sociales frappant les hommes comme les femmes.
Sa création d’une ligne budgétaire dédiée aux hommes n’est pas un geste contre les femmes : c’est un geste pour l’égalité véritable, celle qui repose sur la symétrie, la lucidité statistique et la responsabilité politique.


