La MIPROF, via sa Lettre n° 25 – Violences sexistes et sexuelles en France (2024), publie un panorama chiffré percutant de la situation des violences intrafamiliales en France. Le document met en lumière l’ampleur des violences conjugales, des féminicides, des signalements, des condamnations — des données indispensables pour orienter les politiques publiques.

Quelques chiffres clés tirés de la lettre
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376 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences conjugales (physiques, verbales/psychologiques et/ou sexuelles) en 2023.
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Parmi l’ensemble des victimes enregistrées par les forces de sécurité, 84 % sont des femmes.
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Le nombre de décès violents au sein du couple augmente chez les femmes : selon cette lettre, il y a eu 107 feminicides en 2024, contre 96 l’année précédente.
Ces chiffres soulignent le caractère massif et grave des violences sexistes et sexuelles, et ce, malgré les progrès en matière de dénonciation et d’accueil des victimes.

Et les hommes victimes ? Un angle trop souvent oublié
Si la lettre de la MIPROF se concentre naturellement sur les violences faites aux femmes — ce qui est crucial — une partie des souffrances reste moins visible : celle des hommes victimes de violences conjugales. En creux, les données montrent que la question mérite elle aussi d’être prise en compte avec sérieux.
Des chiffres en hausse
En se basant non seulement sur la lettre de la MIPROF mais aussi sur l’enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS) du ministère de l’Intérieur, on peut souligner :
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En 2023, 118 000 hommes ont été victimes de violences conjugales, contre 111 000 en 2022 — soit une augmentation.
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Cela représente environ 0,5 % de la population masculine qui déclare avoir subi des violences conjugales en 2023, contre 0,4 % en 2022 — une tendance à la hausse.
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À titre de comparaison, 1,4 % des femmes déclarent subir des violences conjugales selon la même enquête.
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Concernant les homicides, la lettre MIPROF note 31 homicides en 2024, un chiffre en augmentation par rapport à 23 en 2023. Si majoritairement les victimes sont des femmes, cela ne signifie pas que les hommes sont entièrement exclus du bilan tragique des violences au sein du couple.
Ces chiffres montrent que les violences conjugales ne touchent pas un seul genre : les hommes aussi subissent, et de plus en plus, ces violences.


Un faible taux de signalement
L’enquête VRS du ministère de l’Intérieur (édition 2024) souligne un point très important : le taux d’hommes ayant porté plainte ou déclaré un “type main courante” est très faible, en dessous du “seuil de diffusion – SD” dans certains indicateurs. Autrement dit, beaucoup d’hommes victimes n’engagent pas les démarches officielles pour signaler ce qu’ils subissent.
Cette sous-déclaration peut s’expliquer par plusieurs raisons : honte, crainte de ne pas être pris au sérieux, stéréotypes de genre (l’idée que les hommes “ne peuvent pas être victimes”), manque de dispositifs adaptés…

Pourquoi la MIPROF devrait élargir son regard
À la lumière de ces données, il apparaît légitime de se poser des questions :
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Pourquoi la politique publique contre les violences conjugales ne parle-t-elle pas plus des hommes ?
Si l’essentiel de l’effort reste focalisé sur les violences faites aux femmes (ce qui est nécessaire et prioritaire), il existe aussi une part de victime masculine qui reste trop longtemps silencieuse. -
Faut-il étendre des dispositifs existants ou en créer de nouveaux spécifiquement pour les hommes ?
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Par exemple, l’extension du 3919 (numéro d’écoute national pour les violences faites aux femmes) à une ligne dédiée aux victimes de tous genres pourrait être envisagée.
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Ou bien la création d’une ligne d’écoute / soutien spécifique pour les hommes victimes, avec des ressources formées pour reconnaître les réalités masculines de la violence conjugale.
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Comment mieux encourager le signalement de ces violences ?
- Campagnes de sensibilisation : briser les tabous associés aux hommes victimes. À ce titre, certains pays montrent l’exemple. Au Luxembourg, lors de la Journée internationale de l’homme du 19 novembre, la ministre compétente a mené une communication publique proactive rappelant que les hommes peuvent eux aussi être victimes de violences au sein du couple et invitant explicitement ceux concernés à demander de l’aide. Cette initiative simple mais symboliquement forte démontre qu’une politique de prévention incluant les hommes est non seulement possible, mais efficace pour libérer la parole.
Cf. https://www.lessentiel.lu/fr/story/au-luxembourg-une-journee-pour-les-hommes-la-ministre-joue-le-jeu-103453833 
- Formation des forces de l’ordre, des services sociaux, des associations d’aide aux victimes pour qu’ils entendent et traitent aussi les hommes comme des victimes légitimes.
- Statistiques plus fines : poursuivre et approfondir les enquêtes comme la VRS, afin d’avoir une image toujours plus claire de la victimation masculine.
- Campagnes de sensibilisation : briser les tabous associés aux hommes victimes. À ce titre, certains pays montrent l’exemple. Au Luxembourg, lors de la Journée internationale de l’homme du 19 novembre, la ministre compétente a mené une communication publique proactive rappelant que les hommes peuvent eux aussi être victimes de violences au sein du couple et invitant explicitement ceux concernés à demander de l’aide. Cette initiative simple mais symboliquement forte démontre qu’une politique de prévention incluant les hommes est non seulement possible, mais efficace pour libérer la parole.
Conclusion
La Lettre n° 25 de la MIPROF fournit un éclairage indispensable sur les violences sexistes et sexuelles, principalement du point de vue des femmes victimes. Cependant, les chiffres – notamment issus du rapport Vécu et ressenti en matière de sécurité du ministère de l’Intérieur – montrent que les hommes ne sont pas épargnés : des dizaines de milliers d’entre eux subissent des violences conjugales, avec des tendances à la hausse et un fort sous-signalement.

