Communiqué du Collectif Défendre les Enfants : Droit de réponse à la position du ministère de l’Égalité concernant l’extension du 3919

Suite à l’interpellation de plusieurs parlementaires, le Ministère de l’Égalité a récemment publié une réponse concernant notre demande d’extension du 3919 – numéro national destiné aux victimes de violences conjugales – aux hommes victimes. En tant que collectif engagé pour la défense des droits de tous les enfants et de tous les parents victimes de violences intrafamiliales, quels que soient leur sexe ou genre, nous souhaitons faire entendre notre profond désaccord avec cette réponse, à plusieurs titres.


1. Une position en contradiction avec les engagements passés du ministère de l’Égalité

Nous rappelons tout d’abord que cette position contredit frontalement les engagements publics pris par l’ancienne ministre de l’Égalité, Madame Salima Saa, dans une réponse adressée à notre collectif. Dans un courrier daté de novembre 2024, elle déclarait clairement :

« Soyez assuré de la mobilisation des équipes de mon cabinet sur ce dossier. Elles travaillent activement à la mise en oeuvre d’initiatives visant à renforcer l’efficacité de ce dispositif et à sensibiliser d’avantage le public à cette évolution majeure »

Cette promesse est disponible en ligne sur notre site (voir le document officiel). Le reniement de cette orientation marque un recul grave dans la lutte contre toutes les formes de violences intrafamiliales.


2. Une promesse contredite par les actes de Madame Aurore Bergé

Avant d’être ministre, Madame Aurore Bergé elle-même avait échangé avec notre collectif. Lors d’une visioconférence du 27 septembre 2024, elle avait affirmé clairement que la ligne 3919 était ouverte aux hommes victimes. Cette déclaration est publique et documentée (voir l’article sur notre site).

Aujourd’hui, l’affirmation de la ministre Aurore Bergé est démentie par les services ministériels eux-mêmes, comme depuis 17 années, le 3919 est fermé aux hommes victimes sans qu’aucune solution alternative ne soit proposée avec sérieux.


3. Une réponse contradictoire et discriminatoire sur plusieurs points

La réponse officielle du ministère s’appuie sur une série d’arguments qui nous paraissent incohérents, voire discriminatoires :

  • La “spécialisation” du 3919 pour un public exclusivement féminin serait selon le ministère une justification suffisante. Pourtant, comme l’a démontré Sophie Torrent dans L’homme battu (2001), les dynamiques de violences subies par les hommes dans le couple sont très proches de celles subies par les femmes. Si l’on accepte malgré tout que ces violences présentent des spécificités selon le genre, alors les hommes victimes doivent eux aussi être considérés comme un public spécifique, justifiant un dispositif dédié.

  • Le ministère évoque une expertise construite sur plusieurs décennies. Mais il omet volontairement de reconnaître que des expertises équivalentes existent pour les hommes victimes, portées par :

    • SOS Hommes Battus (créée en 2008 par Sylviane Spitzer),

    • Stop Hommes Battus (créée en 2020 par Pascal Combes),

    • SOS Hommes Battus France (créée en 2021).

    Ces structures sont aptes à contribuer à l’élaboration d’une prise en charge professionnelle, humaine et équivalente à celle proposée aux femmes.

  • Enfin, le renvoi des hommes vers d’autres numéros ou associations non spécialisées est inacceptable. Si le 3919 est reconnu comme ligne “experte”, alors les hommes victimes sont privés de cette expertise. Ce refus d’égalité de traitement constitue une forme grave de discrimination institutionnelle.


4. Le 3919 peut évoluer : pourquoi pas pour les hommes ?

Dans ce silence institutionnel, nous avons pourtant appris plusieurs évolutions récentes et bienvenues du dispositif 3919 :

  • L’accessibilité du 3919 en créole réunionnais, mise en œuvre ces dernières semaines, comme l’a annoncé France Info Outre-mer (voir l’article) ;

  • Et l’ouverture prévue début 2025 du service aux personnes sourdes et malentendantes, grâce à la plateforme ACCEO (voir l’annonce).

Ces avancées vont dans le bon sens et démontrent que le 3919 peut évoluer pour mieux répondre aux besoins de toutes les victimes.

Mais pourquoi ce silence obstiné concernant les hommes victimes ?
Pourquoi cette absence totale de réponse, qui peut s’apparenter à du mépris vis-à-vis d’une population pourtant bien réelle, souvent invisible, et tout aussi vulnérable ?


5. Même les animaux disposent d’un numéro national (3677)

Il est significatif de constater que les animaux disposent d’un numéro d’urgence dédié, le 3677, pour signaler les maltraitances, alors que les hommes victimes de violences conjugales n’ont toujours pas accès à une ligne spécialisée reconnue par l’État. Cette situation heurte le bon sens, l’égalité républicaine et les principes fondamentaux des droits humains.


6. Une pétition populaire ignorée des autorités et des médias

Notre pétition réclamant l’extension du 3919 a dépassé les 10 000 signataires. Et ce, malgré une couverture médiatique quasi inexistante : à ce jour, seuls deux articles en ont fait mention (voir ici).

Ce silence médiatique et politique, face à une mobilisation citoyenne réelle, révèle une forme de déni collectif sur la souffrance des hommes victimes et de leurs enfants. Il est inacceptable que seules les victimes correspondant à certains stéréotypes bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle.


7. Aucune ouverture sérieuse n’est proposée : nous demandons l’interpellation directe de la ministre

La réponse du ministère ne propose aucune piste concrète de solution. Ni l’élargissement du 3919, ni la création d’une ligne complémentaire spécialisée, ni la concertation avec les associations concernées.

Face à ce refus de dialogue et de progrès, nous appelons toutes les personnes concernées à interpeller directement Madame Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité, et à lui demander :

  • Quand les hommes victimes auront-ils accès à une ligne téléphonique nationale spécialisée, d’urgence et d’écoute ?

  • Pourquoi les engagements précédents ont-ils été abandonnés sans concertation ?

  • Quelles mesures concrètes sont prévues pour garantir l’égalité de traitement de toutes les victimes, hommes comme femmes ?

A noter également les premiers commentaires de parlementaires qui arrivent sur les réseaux sociaux notamment de la Députée MODEM Maud Petit


Conclusion : pour une égalité réelle, pour toutes les victimes

Nous ne demandons pas des avantages, mais seulement l’égalité des droits : égalité dans les moyens, égalité dans les dispositifs, égalité dans la reconnaissance de toutes les victimes de violences conjugales, sans hiérarchie, sans préjugé, sans discrimination.

Nous continuerons à défendre les droits des enfants, des parents, et des personnes vulnérables, quelle que soit leur identité ou leur sexe. Le 3919 doit évoluer, ou être complété, pour que personne ne soit laissé de côté.


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